Alors que le lobby européen des femmes a récemment lancé une
campagne vidéopour « éradiquer la prostitution en Europe », Morgane Merteuil, escorte sur Internet et secrétaire générale du
Strass, syndicat du travail sexuel, répond.
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Pourquoi vos arguments sont-ils inaudibles ?
Dans d'autres branches de métiers, comme le bâtiment, la restauration ou la couture, il y a également des abus. On n'interdit pas la couture pour autant : on la règlemente. Grâce au droit du travail, ces situations peuvent être dénoncées quand ces droits ne sont pas respectés.
Ensuite, les chiffres qui circulent sont inchangés depuis trente ans : 80% de prostitution contrainte. Ce sont les chiffres de l'Office central de répression de la traite des êtres humains (OCRETH), un organe policier dépendant du ministère de l'Intérieur, basés uniquement sur les arrestations de rue.
Même s'il est impossible de fournir des chiffres exacts, la prostitution de rue n'est absolument plus majoritaire ni représentative aujourd'hui.
Que répondez-vous aux arguments de marchandisation du corps ?
Les psychologues et les « experts » avancent que vendre des services sexuels provoque des traumatismes incomparables à d'autres activités. Quand une fille est forcée, c'est du viol, et, évidemment, c'est traumatisant. Oui, il faut lutter contre la prostitution forcée, mais ça n'est pas en nous pénalisant toutes, les libres aussi, que la situation va s'améliorer.
On nous dit que nous, qui avons en toute conscience choisi le travail du sexe, sommes vraiment une minorité. Il est impossible de chiffrer la prostitution, il y a tellement de clandestinité, sous toutes ses formes : pensez aux personnes qui ne l'avouent pas.
J'ai choisi de me prostituer. Je n'ai pas été violée, ou maltraitée, et d'ailleurs, même si ça avait été le cas, ça ne regarderait personne. Je fais mon travail, je constate que je suis discriminée aux yeux de la société à cause de ce travail, et que ça me met en danger, point.
Je ne vois pas l'intérêt dans le cadre d'un débat politique de parler de ma vie intime, et aussi absurde que ça soit de devoir le dire, oui, on peut être pute et heureuse.
Lors d'un débat avec une ministre luxembourgeoise par exemple, un soit-disant expert évoquait toutes les prostituées qu'il rencontrait, et la grande majorité étaient, disait-il, prises dans des réseaux de traite. C'était une façon de justifier la nécessité de pénaliser toutes les formes de prostitution.
Encore une fois, oui, malheureusement la prostitution forcée existe, et il faut la combattre. Une de nos adhérentes, qui était présente et qui tapine à Dauphine depuis des années, lui a simplement demandé :
« Mais comment faîtes-vous pour les rencontrer, vous ? Non parce que moi j'y suis tous les jours, sur le trottoir, et je ne suis jamais arrivée à entrer en contact avec elles. »