Au-delà de la prostitution sous contrainte

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mardi 11 octobre 2011

Bordeaux : Prostituées sous haute bienveillance

(...) des travailleurs sociaux de l'association IPPO (Information prévention proximité orientation) viennent à la rencontre des « filles », non pour apporter la bonne parole, mais assurer une mission de prévention santé, ainsi que les informer de leurs droits. (...)
Ces maraudes sur le terrain, qui s'ajoutent au travail d'accueil de jour quotidien, rue Villedieu sont un moment opportun d'observation au cœur de la prostitution à Bordeaux. . « Nous sommes au plus près, en prise directe avec leur réalité, commence Anne-Marie Pichon, directrice de l'association IPPO. Au milieu des macs s'il y en a, des clients, de la police. La violence forcément, mais aussi les attentes des clients, les tarifs, la détresse.»
IPPO aujourd'hui revendique ce rôle d'observatoire et a réalisé un état des lieux chiffré, très différent de celui que fournit la police. « Avant même la police, car nous suivons les gens tout au long de l'année. Elles sont 552 en file active. Nous sommes présents auprès d'elles depuis 2001, nous avons connu toutes les évolutions, l'arrivée des Bulgares, les crises sur le trottoir. »

Des lieux identifiés
La sociologie des prostitués a changé, la nationalité, les pratiques, les tarifs. Mais qui sont-elles ?
En majorité, elles viennent d'Afrique subsaharienne, puis depuis trois ans, d'Europe de l'Est, seulement 8,5 % d'entre elles sont françaises. « Depuis 2003, ce schéma ne bouge pas, mais en 2007, nous avons remarqué l'arrivée en masse de Bulgares dont beaucoup de jeunes hommes. » 11 % des prostitués à Bordeaux, sont des hommes, et la plupart se regroupent sur un même site, place André-Meunier.

« Depuis, le début des travaux sur la place, ils ont migré, ajoute la directrice. On ne sait pas trop où ils sont partis. Rive droite peut-être, quai Deschamps… » Il en va des prostitués comme du reste de la population. Les lieux de prostitution migrent en même temps que l'urbanisation de la ville, au rythme des travaux.
Ainsi, les quais de Bordeaux, qui furent longtemps un haut lieu de racolage, ont baissé en fréquentation depuis leur réhabilitation. Désormais, les prostituées travaillent sur les boulevards entre Bègles et le stade Chaban-Delmas, autour du marché de Brienne où fleurissent en fin de journée les fameux « love cars ». « Brienne ? Parce qu'il n'y a pas de riverains, il y a de la place, du trafic de routiers, note Anne-Marie Pichon. »
Désormais, sur la rive droite, le quai Deschamps est aussi très peuplé le soir. « En revanche, la prostitution cours Pasteur a beaucoup baissé, depuis l'arrivée du tram. »

La jungle de la rue
Depuis les années 90, la prostitution de rue a pris un tournant avec l'arrivée des premières étrangères. La population a augmenté et les tarifs ont… baissé, au grand dam des autochtones qui ont perdu du territoire et de l'argent.« Les étrangères appartiennent à des réseaux d'exploitation sexuelle, affirme la directrice d'IPPO. Elles débarquent ici dans le cadre de trafic et sont censées rembourser une dette qui correspond au voyage. Jusqu'à 60 000 euros. Des contrats implicites qui les met face à une contrainte énorme. En plus, il faut qu'elles se débrouillent pour vivre ici, se loger, se nourrir, puis elles envoient de l'argent à leur famille dans leur pays. Toutes ces obligations les obligent à travailler beaucoup et donc à baisser les prix. Elles perturbent le marché et la prise de risque est donc majorée.. Il y a beaucoup de mineures avec des faux-papiers et de fausses dates de naissance. Comment prouver leur âge ? Les situations au cas par cas se complexifient, conclut la directrice d'IPPO. La précarité avance, à l'image du reste de la société. »

En Chiffres
552 Le nombre de prostituées suivies par l'association IPPO sur une année. Elles sont 250 selon la police.
86,4 % sont des femmes.
56,8 % sont des femmes originaires d'Afrique de l'Ouest.
33 % sont des femmes d'Europe de l'Est.
8,5 % sont des femmes de France.
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