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jeudi 13 octobre 2011

Lille : Face à la prostitution, le débat s'enflamme

L'exaspération aura été la plus forte. À l'invitation de deux habitantes du Vieux-Lille dénonçant la banalisation de la prostitution dans leur quartier, le Nid organisait, lundi soir, une explication de texte sur les 30 propositions émises par la mission parlementaire sur la prostitution. Mais ce que réclament les riverains de l'avenue du Peuple-Belge, ce sont des actes « tout de suite » . Et que cesse le tapin au pas de leurs portes.
« Le Mouvement du Nid ne dit pas que, dès demain, il n'y aura plus de prostitution dans le Vieux Lille, mais que nous allons travailler à ce qu'un jour, il n'y ait plus de prostitution », annonce pourtant le délégué régional du mouvement du Nid, Bernard Lemettre. Peine perdue, l'ancien président national du Nid n'a pas achevé son préambule qu'une riveraine s'empare du micro. « Fin août, c'était horrible ce qu'il se passait sur mon trottoir, avec le camion qui distribuait boissons et préservatifs, explique celle-ci, membre de l'association Sauvons les trottoirs du Vieux-Lille. Il y avait 20 à 30 femmes qui s'agitaient devant ma fenêtre, et tout le monde trouve ça normal ! » Elle a décidé de jeter l'éponge et de quitter le quartier qu'elle habite « depuis 1968 », avant de quitter la réunion avec fracas.
Le bon interlocuteur ?
« Nous vivons tous les jours ces préjudices, embraye une autre habitante. Le soir, le trottoir est aux prostituées. La solution doit être immédiate car ça fait des années qu'on subit cette situation. » Mais le Nid n'est qu'une association et n'est pas venu avec sa solution miracle. Ce que le public de la réunion a du mal à comprendre, mettant en cause l'association et s'adressant à elle comme à une autorité compétente. Jusqu'à Danielle Cattelin, riveraine, certes, mais aussi conseillère municipale non inscrite qui interpelle... la mairie. « Ça fait cinq ans que j'assiste à des réunions mais il n'y a jamais rien de fait contre les réseaux mafieux. Nous demandons plus de compréhension de la mairie » , lance-t-elle après avoir expliqué qu'elle n'ose plus sortir de chez elle, le soir, avec ses petits-enfants, de peur de tomber sur cette prostituée qui pratique des fellations en face de chez elle.
Une femme à l'accent russe aura beau demander à l'assistance de relativiser et préciser « que beaucoup de filles ont un comportement correct et s'organisent pour ramasser canettes et préservatifs », certains ont atteint le point de non retour. « Le quartier est infecté par la prostitution, on ne veut plus de ces gens-là », lâche une riveraine. Une autre voix s'élève pour tenter de dépassionner le débat. « Vous êtes venus pour régler le problème gaulois du Vieux-Lille, un point c'est tout, mais il est évident que ça ne va pas se faire en un claquement de doigt. Vous avez un bulletin de vote, servez-vous en. » Et cet homme d'interpeller les élus : « Marc-Philippe Daubresse, qui est là, et Martine Aubry. » Le secrétaire général adjoint de l'UMP est en effet venu en voisin dans la ville de Martine Aubry. C'est que le maire de Lambersart est aussi le député d'une partie du Vieux-Lille. L'élu en revient aux propositions d'une « mission d'information consensuelle, comprenant des députés de droite et de gauche ». « Il faut un arsenal répressif plus fort qui tape sur les clients, tout en donnant accès aux prostituées au droit d'asile et à un titre de séjour. Nous pouvons essayer de nous attaquer à la source du problème, avant 2012 », avance-t-il. « Qu'attendez-vous ? » interroge la salle. Ce que réclament les habitants du Vieux-Lille, c'est « du concret ».

« ON N'A PAS EU LA MAÎTRISE DU DÉBAT »
Le délégué régional du mouvement du Nid Bernard Lemettre revient sur le débat et avoue avoir été débordé par les réactions passionnées.
Quel sentiment est le vôtre après cette réunion ?
On aurait dû avoir la maîtrise du débat et on ne l'a pas eu. J'aurais dû imposer que l'on travaille sur les propositions de la mission parlementaire. On s'est laissé déborder. Même si on peut comprendre le ras-le-bol, ce n'était pas l'objet de la réunion. Mais ça prouve que la prostitution est un immense gâchis, dans la vie des prostituées, des clients et de tous ceux qui y sont confrontés.
C'est une deuxième réunion de travail sur ces propositions parlementaires, y en aura-t-il d'autres ? 
Oui, même si je ne peux pas vous dire quand. On continue, on va remettre ça sur le tapis. C'est un travail à long terme qui réclame un changement des mentalités et des politiques cohérentes et qui dépasse le cadre de Lille. Mais là où on est, on peut commencer à travailler, c'est l'objet de ces réunions.
Source : Nord Eclair 

A lire aussi : l'association Entr'Actes dénonce une manipulation des riverains du Vieux-Lille, entretien avec Vincent Dubaele
(...) « La réunion a été un échec. On a dressé les gens les uns contre les autres, du grand n'importe quoi. Car on a tenté de faire converger trois niveaux d'intérêt, juge Vincent Debaele. 
D'abord, il y a le Nid qui veut faire passer le message sur son projet associatif, celui d'abolir la prostitution. 
Puis, il y a les riverains qui veulent voir se régler une situation insupportable sur leur pas de porte. 
Et il y a cette récupération politique évidente... » 
Pour le responsable d'Entr'actes, « d'abord surpris de voir entrer le député Daubresse, puis les conseillères municipales d'opposition », le doute s'instaure quant à l'aspect consensuel du document qui servait de base au débat lundi soir : un rapport parlementaire de la commission des lois sur la prostitution, 30 propositions de lois pour « en finir avec le mythe du plus vieux métier du monde ». La présidente de la commission Danielle Bousquet est PS. Le rapporteur Guy Geoffroy est UMP. « Selon le Nid, les élus rencontrés ont été sensibilisés à cette question. Mais quand on demande "Est-ce que vous êtes contre l'esclavage ?", évidemment la réponse est oui, aucun élu ne dira le contraire. Je m'inquiète sérieusement au sujet de la valeur de ce rapport. J'ai plutôt le sentiment d'un lobbying politique en train de se faire, et qui a glissé, lundi soir, vers un lobbying de riverains. Je connais ces trente propositions de loi... » Pour lui, les arguments du Nid, soutenus par Marc-Philippe Daubresse, étaient « légers », les explications « partielles ». « On nous a servis du prêt-à-penser, on a tout ramené à la question du trafic d'êtres humains. Mais la prostitution, ça n'est pas que ça ! Pour moi, la démarche est opportuniste, on a surfé sur le mécontentement des riverains, ils ont été manipulés. » Et d'ajouter dans un sourire : « Et tout ça entre les deux tours de la primaire socialiste... »

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